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14 septembre 2006

POURQUOI LA GAUCHE PEUT PERDRE

A la fois juges et parties, les sondages occupent dans nos démocraties une place très particulière : ils retranscrivent l'état de l'opinion selon des règles scientifiques - que contrairement à Claude Allègre je ne remettrai pas en cause - mais contribuent également à la former en apportant des informations qui modifient une perception initiale. Dire "il faut voter untel parce qu'il est le mieux placé dans les sondages", c'est admettre que les thermomêtres font monter la fièvre... Pourtant, alors que le débat sur leur interdiction a repris chez Christophe Barbier (classiquement, ceux qui sont en tête sont pour les sondages, les autres contre... souvenons-nous de l'attaque de Sarkozy au soir de la défaite de Balladur...), je veux ici les prendre pour ce qu'ils sont, les replacer en perspective et essayer de comprendre ce qui est en train de se jouer... Et je ne suis guère rassuré.

Depuis maintenant plus de 25 ans, chacune des élections nationales majeures (présidentielles ou législatives) s’est soldée par une alternance. La seule exception (victoire de Chirac en 1995 après la victoire législative de la droite en 1993) semble même confirmer doublement la règle : le président en poste était alors de gauche, et le premier ministre en poste (Edouard Balladur) fut également battu dès le premier tour.  Forte de ce constat, la gauche qui bénéficie également de l’impopularité record (19% en juillet pour Dominique de Villepin selon TNS-SOFRES) du pouvoir en place, devrait voir arriver les échéances électorales avec sérénité. Elle l’a d’ailleurs déjà fait, emportant des victoires d’ampleur historique dans l’ensemble des élections intermédiaires, et ce sans même mener réellement campagne. En pareille circonstance, on devrait donc attendre des sondages de second tour autour de 55 à 60%, aussi solides que l’était la victoire du « Oui » au référendum européen… carre_dsk

Et pourtant… Bien que les Français souhaitent majoritairement la victoire de la gauche (+8 à +10 points sur la droite) et que Nicolas Sarkozy inquiète plus qu’il ne rassure (55% contre 36% en juin 2006), notre meilleure candidate ne l’emporterais au mieux que de quatre points (52/48) et demeure battue dans une majorité d’enquêtes d’opinion. Ce constat est à lui seul extrêmement alarmant ; mais il y a pire. Car cette performance s’appuie sur des chiffres qui  représenteraient une véritable révolution des comportements électoraux. Ainsi Ségolène Royal est-elle créditée d’intentions de vote entre 29 et 36% au premier tour, alors que le PS n’a jamais dépassé 25% depuis près de 20 ans, toutes élections confondues. Il en va de même au second tour, où les projections les plus optimistes font état d’un report de 30% des votes FN, alors que ceux-ci s’établissent historiquement à 15%, même lorsque Jean-Marie Le Pen appelait à faire battre Chirac en 1995… Enfin, même si elle s’en défend, Ségolène Royal cultive savamment dans l’opinion l’image de « la gazelle contre les éléphants », apparaissant en marge des clivages politiques traditionnels. Cette posture traditionnellement payante en début de campagne (voir Rocard, Barre, Delors, Balladur, Chevènement) rencontre habituellement une érosion brutale lorsque l’opinion se structure à quelques semaines de l’élection.

On m'objectera que ce qui est vrai pour Ségolène Royal l'est d'autant plus pour ses challengers, encore plus mal placés. C'est vrai. Mais pas nécessairement dans les proportions que l'on imagine aujourd'hui. D'abord, mécaniquement, parce que la multiplication des candidatures testées nuit à la crédibilité des projections effectuées : DSK, Lang ou Fabius voient leur score réduit par Jospin, Hollande, parfois Aubry et Kouchner, alors qu'il est extrêmemnt improbable que tous se présentent à l'investiture. Ensuite politiquement, parce que le candidat investi légitimement par le PS bénéficiera d'une dynamique de rassemblement : testé à 28% d'opinions positives en octobre 1994 avant le retrait de Jacques Delors, Lionel Jospin a atteint 58% en tout juste deux mois. Il est donc probable que notre candidat, quel qu'il soit, présentera en décembre des intentions de vote plus ou moins comparables à celles aujourd'hui accordées à Ségolène, qui occupe aujourd'hui dans l'opinion cette place de "candidate légitime".

Ces quelques réflexons m'amènent à deux conclusions. Tout d'abord, la campagne présidentielle s'annonce très difficile, avec des perspectives de succès beaucoup plus minces qu'elles ne pourraient l'être dans un contexte politique globalement favorable. La stratégie du parti socialiste est en partie responsable de cette situation. Echaudé par le projet "pas socialiste" de Lionel Jospin en 2002, il n'a pas été pressé de construire le sien, préférant miser sur le rejet de la droite pour ne pas créer de clivages susceptibles d'apporter de la division. Cette stratégie de rassemblement, incarnée jusqu'au bout des ongles par François Hollande qui y a sans doute vu un moyen de s'imposer naturellement, a porté ses fruits aux élections européennes et régionales. Ce qui ne semble donc pas devoir être le cas aux présidentielles. Outre la nature très particulière de cette élection, je pense que l'on a pas su tirer les conclusions de l'événement politique majeur des dernières années : la division de la gauche à l'occasion du référendum européen. Si j'ai toujours dit que les divergences sur l'Europe pouvaient et devaient être surmontées, car de forme (l'Europe sociale passait-elle ou non par le traité ?), le fossé qui s'est creusé entre "social-démocratie" et "gauche antilibérale" nécessitait une clarification de la ligne socialiste. Mais de "juge de paix", le congrès du Mans est devenu "synthèse". Et le projet qui en est issu - d'inspiration réformiste mais que ses mesures-phare marquent à gauche du parti - a conforté l'opinion dans l'idée d'un PS divisé et sans alternative crédible à proposer.

L'autre conclusion, c'est que la victoire ne se dessinera  -  comme d'habitude - que dans les toutes dernières semaines de la campagne. Celui ou celle qui l'emportera aura su incarner cette alternative et proposer un contrat clair au pays. Il ou elle aura su comprendre les angoisses du peuple, lui parler un langage de vérité, le convaincre de la pertinence de son analyse et de ses solutions, mais aussi résister aux attaques de l'autre camp. Autant dire qu'aucun avantage n'est aujourd'hui décisif et que les ressorts du vote ne sont guère liés à ceux des sondages actuels. Porte-parole de Ségolène Royal, Gilles Savary estime (en substance) que si l'un des "éléphants" avait le même impact que sa candidate dans les sondages, le jeu serait plié depuis longtemps et le parti déjà rassemblé et en ordre de marche. Il a raison... Et c'est d'ailleurs tout le problème. Pourquoi n'y parvient-elle pas ? Pourquoi sent-on autant de doute et de réserves gagner les militants au fil de ses rares interventions ? Appelez ça du machisme ou des attaques personnelles... Mais c'est pour moi un réel sujet d'inquiétude. Entre "être en situation" et gagner, il y a un gouffre qui se nomme campagne électorale, et seules les capacités à la mener pourront conduire nos idées au pouvoir. Je ne souhaite nullement la défaite de Ségolène Royal, mais aspire plus encore à la victoire de la gauche. Et je crains que cela ne soit contradictoire.

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